...OU VRAIE CONNERIE?

J'ai un ami qui pratique la fauconnerie depuis longtemps et qui a été "agacé" par le discours des Verts sur le sujet. Voici sa réaction (les photos représentent ses oiseaux) :

Il y a actuellement beaucoup d’effervescences et d’enjeux électoraux au sujet des chasses traditionnelles. Pratiquant moi-même la chasse au Vol (ou fauconnerie) depuis plus de 40 ans, j’ai pris connaissance du projet Vert concernant les chasses traditionnelles et plus spécialement la fauconnerie. Je n’y ai pas reconnu l’art que moi-même et les autres fauconniers vivons avec exaltation aujourd’hui. J’ai eu la surprise de découvrir un texte archaïque et calomnieux qui discrédite ses auteurs. Sa lecture me laisse perplexe sur leurs motivations réelles et sur la crédibilité des autres thèmes abordés dans ce projet, là où justement mon domaine d’expertise cesse.
Je souhaite simplement ici commenter par fragments le texte intégral concernant la fauconnerie dans le projet Vert.

"Il n'est guère possible d'indiquer exactement l'époque à laquelle remontent les premiers essais de chasse à l'aide d'oiseaux de proie."
L’association de l’oiseau de proie et de l’homme se réalise très facilement et tout à fait naturellement. J’ai eu l’occasion de revivre ce que furent certainement les premiers essais de chasse à l’aide d’oiseaux de proie. Cela se passait au Maroc vers les années 60. Le chien d’un ami venait de provoquer l’envol de perdrix quand un faucon sauvage entra en scène et tua cette perdrix. Le lendemain, le faucon nous attendait. Le chien leva une première perdrix, ... prise du faucon. Mais cette fois-ci, nous avons subtilisé la proie. Le faucon s’envola et nous suivit pendant que le chien continuait sa quête. Nouvelle perdrix à l’envol, nouvelle attaque du faucon que, cette fois-ci, nous avons laissé manger sur sa prise. Pendant tout mon séjour en cet endroit marocain, nous avons partagé la chasse de ce faucon. Il s’agissait d’une association d’intérêt, bien comprise par les deux parties.

"La fauconnerie fut la passion des grands seigneurs du Moyen-Age et de la Renaissance, et subsista dans tout son éclat jusqu'au siècle dernier. Actuellement, une centaine de personnes pratique régulièrement, en France l'exercice de la chasse au vol."
Actuellement, il y a moins de 50 personnes, de toutes origines sociales, pratiquant la fauconnerie en France. Comme pour beaucoup d’autres sports (équitation, golf, tennis, ...) la chasse au Vol s’est démocratisée certainement en raison du temps de loisirs croissant dont les citoyens disposent de nos jours. Il ne s’agit pas d’une « élite » nostalgique d’un certain passé !

"La loi permet dans ce cas le désairage des éperviers et des autours, dont le rôle dans les équilibres naturels n'est plus à démontrer."
La chasse au Vol, puisque c’est la terminologie utilisée par le législateur (et non la fauconnerie) comprend le haut vol qui se pratique à l’aide de falconidés (faucons) et le bas vol qui utilise les accipiters (autours, éperviers, buses de Harris ...). Il est relativement facile, de nos jours, de reproduire en captivité les différents falconidés. C’est la raison pour laquelle les fauconniers n’ont pas besoin de prélever des faucons dans la nature et que la loi ne prévoit pas la possibilité de désairage des faucons. Pour ce qui est du bas vol, seules les buses de Harris sont facilement reproductibles en captivité. Il y a actuellement un engouement des fauconniers (autoursiers) pour cette espèce qui est particulièrement sociable avec l’homme et de surcroît intelligente. Les centres de reproduction obtiennent quelques résultats avec l’épervier et l’autour. C’est la raison pour laquelle la loi autorise dans des conditions restrictives très précises le désairage de quelques individus de ces seules espèces. Ces espèces, tout comme le faucon pèlerin (emblème des oiseaux en voie d’extinction) ne sont plus menacées. Par exemple, pour le faucon pèlerin, il y a plus de couples nidificateurs aujourd’hui qu’au début du siècle. Certains nichent même dans les grands immeubles des villes et les tours des centrales thermiques ou nucléaires. On peut considérer que le prélèvement actuel des accipiters (de l’ordre de quelques unités l’an dernier) est tout à fait négligeable en regard d’autres causes modernes de « prélèvement » : électrocution par les lignes électriques, déforestation (routes), élevages de volailles et gibiers qui attirent et infectent les rapaces.... . En tout état de cause, les progrès de la reproduction en captivité rendront le prélèvement d’autours et éperviers inutiles d’ici à quelques années.

"Ce prélèvement de jeunes oiseaux au nid est une confiscation d'un bien commun à tous."
Comme il vient d’être mentionné, les rarissimes prélèvement actuels n’auront plus raison d’être très prochainement, mais quand bien même !
La confiscation d’un bien commun, c’est à dire du droit à (bien) gérer la Nature, n’est pas mis en cause par la société contemporaine. D’ailleurs, il ne semble pas que la détention de quelques millions de chats domestiques qui « confisquent » plusieurs dizaines de millions d’animaux protégés chaque année n’émeuve les Verts. Elle concerne une population d’électeurs trop importante, tandis que quelques dizaines de fauconniers, cela permet de se défouler.
On peut noter aussi que les fauconniers ont acquis une bonne image de marque parmi les ornithologues puisqu’ils ont contribué à préserver les populations d’oiseaux de proie quand la loi les classait oiseaux nuisibles et ordonnait leur destruction (avant le début des années 70), qu’ils ont contribué à les faire classer oiseaux protégés et à les réimplanter quand les populations furent exterminées par les pesticides. Les fauconniers ont été parmi les premiers à reconnaître leur rôle dans les équilibres naturels, tout simplement parce qu’ils les ont beaucoup observé.

"D'autre part, pour "éduquer" ces rapaces à la chasse, il faut les assujettir par la privation de sommeil et par la faim et les faire devenir esclaves de l'homme de façon à ce qu'ils voient en lui l'arbitre suprême de leur repos et de leur bien-être."

C’est le passage proprement calomnieux de ce projet.
Les oiseaux utilisés par les fauconniers de nos jours sont des jeunes oiseaux, pour la majorité reproduits en captivité et pour une très faible minorité prélevés avant leur envol du nid. Ils s’éduquent tout seuls avec l’homme, comme avec leurs parents ; nul besoin de privation de sommeil ni de nourriture. Chasser avec l’homme est simplement sa nouvelle condition. Pour être magnifique en vol et capable de faire des poursuites et piqués époustouflants, le faucon doit être en très haute condition physique et éveillé. Ce n’est pas compatible avec la privation de sommeil et la faim. J’ajouterais que c’est plutôt le fauconnier qui dort mal quand son oiseau s’égare, se blesse ou tombe malade... . Il est considéré par le faucon comme un aide qui permet des occasions d’envol de proies potentielles. Contrairement au chien, le faucon garde toujours une certaine distance affective avec l’homme ; il n’en est que plus respecté.

"Ces pratiques, que certains trouvent encore "nobles", ne trouvent plus leur place dans le projet Vert."
La seule question qui mérite d’être posée est : l’homme a t’il le droit de détenir un animal, quand bien même ce dernier serait heureux en sa compagnie? C’est un débat qui n’est pas propre à la fauconnerie. J’observerais que les fauconniers américains l’ont abordé de façon intéressante. Leurs lois permettent aux fauconniers ayant satisfait certains critères de compétence de détenir temporairement des faucons pendant la période de l’hiver; les oiseaux doivent être relâchés au printemps pour la reproduction dans la Nature. Les oiseaux qui sont solitaires à cette période de l’hiver ne risquent pas de mourir prématurément (à l’état sauvage, 70% d’entre eux meurent avant d’atteindre leur première année), et le fauconnier dispose d’un oiseau surentraîné dont la reproduction naturelle n’est pas compromise.

Il est de l’intérêt même des Verts de présenter un projet crédible tant par sa pertinence que par son impartialité et qui défende les minorités responsables. J’espère que mon expérience de la fauconnerie les inciteront à repenser leur projet concernant ce sujet afin qu’il repose sur les réalités et non sur quelque rancoeur injustifiable.

Luc Tamisier.